Rien qu’au Royaume-Uni, on estime que le NHS dépense plus de 10 milliards de livres par an pour traiter cette maladie. Bien que des programmes de prévention soient en place pour gérer cette hausse, l’association Diabetes UK suggère que, sauf si le gouvernement augmente les investissements dans ces programmes pour élargir leur portée et leurs services, jusqu’à un adulte sur dix au Royaume-Uni pourrait vivre avec la maladie d’ici 2030.
De nombreuses méthodes innovantes sont désormais disponibles pour administrer l’insuline, mais la méthode courante reste l’utilisation d’un stylo injecteur et d’une aiguille pour stylo. Les aiguilles standard présentent une pointe exposée pendant toute l’injection, sans système de protection après usage. Les dispositifs de sécurité proposent un mécanisme à activation passive-automatique ou active-manuelle qui recouvre l’aiguille et contribue à diminuer le risque de blessure par piqûre accidentelle (NSI). En 2010, la directive européenne sur la sécurité des objets piquants a rendu obligatoire leur utilisation dans les milieux cliniques, sans toutefois privilégier un type plutôt qu’un autre.
Les dispositifs de sécurité actifs comme passifs visent à améliorer la sécurité des patients et des professionnels de santé, particulièrement en réduisant la transmission d’agents pathogènes sanguins responsables d’infections lors de piqûres accidentelles. Leur principale différence réside dans le fait que les dispositifs passifs recouvrent généralement l’aiguille avant et après l’injection, ce qui peut rendre la visualisation de l’aiguille difficile et nécessiter une technique différente. Les dispositifs actifs, quant à eux, maintiennent l’aiguille visible dès le retrait du capuchon jusqu’à l’activation manuelle du mécanisme de sécurité. Cette visibilité permet un meilleur contrôle et implique activement l’utilisateur dans le processus de sécurité.
Les NSI peuvent représenter un enjeu majeur, tant sur le plan financier que psychologique, pour les établissements de santé, et même si les dispositifs de sécurité sont conçus pour limiter ces risques, la sécurité des patients et l’exactitude du dosage restent essentielles. Les dispositifs à sécurité passive posent des difficultés lors de l’administration d’insuline, notamment parce qu’ils ne permettent pas de vérifier visuellement que la totalité du médicament a bien été injectée, l’aiguille n’étant plus visible.
En 2022, l’organisme indépendant MindMetre a publié les résultats d’une étude menée au Royaume-Uni sur l’usage des dispositifs de sécurité dans les établissements du NHS, à la suite de retours sur des dosages d’insuline incorrects. Les infirmiers spécialisés en diabétologie ont rapporté avoir observé soit une accumulation d’insuline sur la peau après injection (suggérant qu’une dose incomplète avait été administrée), soit des événements indésirables liés à un mauvais dosage alors que le patient était toujours présent et pris en charge. Ce phénomène peut survenir lorsque le système de sécurité automatique d’un dispositif passif s’active trop tôt, interrompant ainsi la délivrance complète du médicament.
Ces deux situations inquiétaient, mais l’absence de données probantes a conduit MindMetre à demander des informations à tous les établissements du NHS en Angleterre et au Pays de Galles, au titre de la loi sur la liberté d’information. L’objectif était d’évaluer l’ampleur de ces problèmes et de vérifier si les unités spécialisées dans le diabète utilisaient des aiguilles pour stylo sécurisées adaptées à leurs patients.
Les résultats ont montré que 36,4 % des établissements ont signalé des cas de rétention d’insuline et 25 % des erreurs de dosage reconnues par des incidents indésirables internes au patient. Ces événements se sont produits lors de l’utilisation de dispositifs passifs. Les établissements pouvaient également préciser leur réponse – l’un d’eux a cité que “le dosage inexact de l’insuline était imputable aux aiguilles de sécurité passives ; pour cette raison, [nous] sommes passés aux aiguilles de sécurité actives,” et “l’accumulation d’insuline a été constatée avec les aiguilles passives… là encore, [nous] avons adopté les aiguilles de sécurité actives pour cette raison.”
La législation laisse le choix entre dispositif actif et passif aux professionnels de santé, même s’il reste difficile d’expliquer la préférence pour le passif. En tant que fabricant des deux catégories, Owen Mumford a commandé en 2020 une évaluation clinique des aiguilles pour stylo sécurisées, recueillant l’avis de professionnels pratiquant des injections d’insuline et consolidant les retours sur ce sujet. Sur la question de la justesse du dosage, 98 % des répondants estimaient maîtriser la délivrance de la dose et 96 % étaient sûrs de délivrer la totalité du médicament sans fuite avec une aiguille de sécurité active. A l’inverse, seuls 59 % se disaient en contrôle avec un dispositif passif, et 41 % se sentaient confiants de délivrer toute la dose sans fuite dans ce cas.
Les recherches de MindMetre soulignent que, comme dans nombre de situations cliniques, l’expérience d’injection du patient est aussi cruciale que celle du professionnel. L’innovation pour limiter les risques de NSI est essentielle, notamment à cause des exigences légales, mais un dosage précis l’est tout autant pour la santé du patient. L’évaluation d’Owen Mumford montre que l’aiguille de sécurité active inspire davantage confiance dans la délivrance complète, ce que viennent appuyer les établissements ayant commenté l’étude de MindMetre et ayant eux-mêmes effectué ce changement. De même, certains problèmes liés au risque de piqûre accidentelle pourraient être réduits avec un dispositif passif – à condition qu’aucune difficulté de délivrance d’insuline n’apparaisse après ce choix.
L’essentiel est donc de concilier sécurité et maîtrise afin d’offrir une expérience d’injection respectueuse des besoins des soignants et des patients. Cela passe par une évaluation continue des performances et de la réussite des dispositifs actuels, pour s’assurer qu’ils répondent aux standards et agir en conséquence si ce n’est pas le cas.